mercredi 28 juin 2023

♫ Mon humeur de juin : Jean-Louis Murat, Milky Chance, Foo Fighters

J U I N   2 0 2 3



1) Et maintenant ? L'œuvre de Jean-Louis Murat va-t-elle lui survivre ?




Deux mois après sa mort soudaine le 25 mai, la question se pose : que va-t-il rester du génie des alpages poétiques ?


Son Best-of, sorti le lendemain de sa mort, a atteint la 10ème place des meilleures ventes d'albums la première semaine d'exploitation, pour disparaître du TOP 200 dès la semaine suivante... Difficile de faire pire, même si Murat n'en a cure ! 

Aucun de ses albums n'est apparu dans le classement depuis son décès... Ni Cheyenne Autumn, ni Dolorès, ni Le Manteau de pluie, pourtant considérés de longue date comme ses "incontournables" ou "chefs-d'œuvre". Pour ma part, Dolorès est un diamant brut.

Cette histoire de Best-of s'était de toute façon mal emmanchée : le type écrit une chanson par jour depuis 40 ans et ils n'ont pas été foutus de mettre un inédit dessus pour en faire un single d'appel...

Je pense que l'œuvre de l'Auvergnat va traverser un long purgatoire de plusieurs années, voire décennies, avant d'être possiblement réhabilitée : tous les décideurs qui ont mis les Johnny, les Goldman, les Bruel etc. en rotation lourdingue sur les ondes et les télé françaises ne vont pas faire de la place au disparu aujourd'hui. 

C'est tout un système monopolisé par la même clique depuis 40 ans qui devra disparaître progressivement avant que le temps ne fasse son affaire. 

Dans 50 ans, peut-être que Murat sera enfin étudié à l'école, diffusé et consacré par des expos, des bouquins de toutes sortes (je suis le seul à lui avoir consacré une biographie à ce jour), des documentaires, etc. 

Bashung a eu droit à son concert hommage remarqué (diffusé sur France 5), à son album de reprises avec des artistes conséquents (Noir Désir, Christophe, Miossec, etc.), ses coffrets, son documentaire, son square à Paris, etc.

Léo Ferré est plus vivant que jamais 30 ans après sa mort (une anthologie studio sort ces jours-ci, bel objet parmi mille autres posthumes). 

La flamme de Christophe est entretenue par de belles compilations et autres coffrets depuis son décès en 2020, et deux bouquins posthumes (dont son autobiographie inachevée) sont déjà sortis. 

Côté Murat, vu comment les choses se sont goupillées de son vivant, où les mauvaises ondes ont pris le pas sur les bonnes - uniquement du fait de l'artiste et de son entourage professionnel travaillés par une "intégrité" agressive et contreproductive (je raconte mon expérience en la matière dans Chaos Bang : Indochine, Thiéfaine, Murat, Dominik Nicolas, les autres et moi) -, ça va être un peu plus compliqué, même si une rue va porter son nom à Clermont-Ferrand, ce qui est un bon début. 

Qui vivra verra, mais il n'y avait pas foule romaine au Mont Sans-Souci menant à sa dernière demeure. Où étaient les Indochine, Laetitia Masson, Mylène Farmer, Christine Angot, Eric Reinhardt et autres figures culturelles parisiennes qui ont encensé l'Auvergnat pendant des années ? Mystère et boule de gomme. Pourtant, ils n'avaient pas l'excuse du Covid... Ou alors, ils pensent que l'Auvergne est un pays étranger.

L'espoir, c'est qu'avec le temps, même dans un monde hypra édulcoré, des chansons comme "J'ai fréquenté la beauté" ou "Au mont Sans-souci" finiront par devenir des classiques de la chanson française.


2) Album du mois : Living In A Haze de Milky Chance




C'est déjà le 4ème album des créateurs de "Stolen Dance", le tube qui les a révélés au monde entier :


Les artistes, contrairement aux journalistes qui pensent encore avoir beaucoup de pouvoir - dont celui de la censure -, ont compris que tout se passe sur internet aujourd'hui. Plus personne ne lit la presse, à part les journalistes. C'est la raison pour laquelle les magazines musicaux mettent toujours les mêmes vieux en couverture (Springsteen, Dylan, Stones, Pink Floyd, Iggy Pop, etc.) : leurs lecteurs ont plus de 50 ans. 

Autre différence de taille : les artistes rendent heureux.

Une fois ce contexte établi, voici 5 raisons pour lesquelles la plupart des médias musicaux ne parlent pas de Milky Chance, le meilleur groupe des années 2010 (en tournée actuellement aux Etats-Unis après avoir sillonné l'Europe l'an dernier) :

- Parce que c'est un groupe indépendant, vraiment indépendant, qui ne va donc pas leur graisser la patte en achetant des espaces de pub pour avoir des bons papiers, des bonnes chroniques. Par conséquent, comme ils ne rapportent rien aux médias, les rédactions n'en parlent pas (c'est ce qu'on appelle l'amour de la musique et la liberté de la presse).


- Parce que le phénomène leur a échappé. Les médias ne chérissent rien tant que les créatures qu'ils enfantent eux-mêmes, par le truchement de leurs réseaux consanguins (Cf. de sinistre mémoire Plastiscines, Naast, Fauve, etc.).


- Parce que c'est un groupe allemand, un de plus qui a du succès à l'international (dans la longue lignée des KraftwerkFalco, Alphaville, Rammstein, Scorpions, Sandra, Tangerine Dream, etc.), contrairement aux groupes français inexistants outre-Manche et outre-Atlantique. Pour nos amis journalistes au goût sûr, être Allemand, c'est déjà une faute de goût en soi. Alors un artiste allemand... ça ne vaudra jamais Sexy Sushi ou Katerine, vous comprenez ?


- Parce qu'ils ne s'encombrent pas de concepts pour créer leur musique. Et ça, les journaleux n'aiment pas (sans concepts vendus sur un plateau, ils n'existent plus).


- Parce qu'ils n'ont pas la bonne "rock attitude" (ce ne sont pas des bobos rebelles, ils ne jouent pas aux losers magnifiques,
 etc.). Par contre, ils boivent du champagne sur scène et postent des vidéos marrantes sur les réseaux sociaux, en plus de produire de la musique qui rafraîchit tous les sens. Bref, ils sont vraiment rock, et ça, les rock-critics n'aiment pas.



3) Deuxième album du mois : But Here We Are de Foo Fighters 


Inutile de reproduire la pochette, elle est "blanche". Ou presque, d'où les guillemets. 

Une blancheur fantomatique, couvrant un océan de soufre, de fureur volcanique, comme les neiges éternelles du Kilimandjaro.

Car cette cime musicale est un disque de deuil insurpassable, malin et tragique à la fois. Le batteur historique du groupe, Taylor Hawkins, et la mère de Dave Grohl sont morts l'an dernier, Mais chez les Foo Fighters, le deuil est colère. Une colère saine et poétique, contre l'injustice de la perte en poussière d'étoile. Je n'ai pas entendu paroles aussi poétiquement cinglantes depuis... une éternité ! 

Pour moi, cet album sonne comme un Classic rock.  

Entre renaissance de Nirvana pour mettre ChatGPT en PLS ("Nothing At All"), new wave revivalisée in utero ("Hearing Voices"), volées de bois vertement Killing Jokiennes ("But Here We Are"), odyssée Pink Floydienne ("The Teacher"), les paroles absolument cathartiques et la musique résurrectionnelle nous embarquent dans un voyage aux frontières du rock et de la mort. Frissons garantis !  


Ici, "The Glass", exprimant la plénitude de la mélancolie post-mortem présente tout le long de But Here We Are, disque d'exception:


 

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