"128e sexe" : la parodie qui met Indochine en PLS
Les Inconnus avaient tapé fort en leur temps, là où ça faisait mal, mais Indochine était alors dans le creux de la vague (OK, Indo n'était pas spécialement visé, mais tout le monde avait vu Nico et sa bande dans le sketch "Isabelle a les yeux bleus").
Aujourd'hui, la donne a changé. Nicola Sirkis est l'un des hommes d'affaires les plus puissants et riches de France, il est désormais une personnalité intouchable, qui a le bras long. J'ai pu m'en rendre compte lors de la sortie de mon bouquin Chaos Bang, piquant la curiosité de grands médias belges et français au départ, pour finalement être censuré partout (sauf par le magazine indépendant et populaire Entrevue, qui en a fait l'écho sur six pages).
La semaine dernière, deux comédiens belges (la précision est importante) ont osé un sketch sur Indochine (Indochouine pour les intimes) : "128e sexe", excellente parodie de l'atroce "3SEX", duo de Nico Sirkis avec Christine and the Queens en forme de relecture de l'excellent "3ème sexe".
Comme à l'époque des Inconnus, la séquence tape là où ça fait mal, mais doublement, voire triplement (je vous laisse découvrir les paroles...).
La vidéo devient virale, mais jugée "transphobe" par certains, au point que les grands médias sont en train d'allumer des pare-feux pour éviter un buzz trop compromettant : pas touche à Sieur Sirkis, qui a des relais dans tous ces médias.
Indochine a même produit un communiqué, dénonçant "une vidéo parodique affligeante"*.
Le problème, c'est que, comme à l'époque de "Isabelle a les yeux bleus", tout le monde a ri à cette "parodie affligeante" - qui est bien moins affligeante en réalité que "3SEX".
Sur le plateau télé, en direct, tout le monde a rigolé, on l'entend clairement sur la vidéo (notamment Marianne James, que personne ne peut soupçonner de "transphobie").
Un tel sketch serait bien sûr impossible sur le service public français (ni sur le PAF entier d'ailleurs) sans que les auteurs ne soient virés.
Car aujourd'hui, on a le droit de rire des cathos, de les choquer ouvertement au nom de la liberté d'expression, de l'art (Cf. parodie de la Cène lors la cérémonie d'ouverture des JO), mais pas touche aux transexuels et autres minorités agissantes. Pour rappel, cette parodie de la Cène a été réalisée non seulement avec votre pognon mais avec des drag-queens, des trans, des travestis, dans la joie et la bonne humeur, et l'allégresse médiatique.
Là, avec "128e sexe", attention, on redevient sérieux : ce n'est plus de l'art ou de la liberté d'expression, encore moins de l'humour, puisque c'est de la discrimination, de la caricature transphobe (méchante donc, pour ne pas dire haineuse).
C'est très drôle, puisque les associations et autres fédérations de défense des transgenres montrent par là, en dénonçant la parodie "transphobe" d'Indochine, qu'elles appliquent leur grille de lecture sectaire sur le sketch. Ces belles âmes, quand elles "parodient" la Cène, font bien un acte anti-chrétiens, une attaque contre les cathos, puisqu'une parodie sur la transexualité devient transphobe à leurs yeux. Ils jugent les actes des autres à l'aune de ce qu'ils font eux-mêmes.
D'ailleurs, soyons précis : ces gens-là ne font pas de parodie, ils font de l'activisme. Raison pour laquelle ils voient dans les parodies des autres de l'activisme, à l'aune de leur sectarisme. Déformation "professionnelle".
L'ouverture d'esprit ne doit s'appliquer qu'aux catholiques ?
Voyez où le serpent se mord la queue : par leur réaction, ils se trahissent. En effet, absence totale d'humour et de dérision de leur côté - sans même parler d'autodérision, il ne faut pas trop en demander - (là où les cathos devraient en avoir), puisqu'ils n'utilisent pas la grille de lecture de l'humour. Le peuvent-ils seulement ? Avoir de l'humour nécessite d'avoir un peu d'esprit, voire même un peu d'intelligence.
Quand bien même, ils n'y verraient ni intérêts ni profits. Et par conséquent, pas d'utilité... Seule la polémique les fait exister, en plus de l'action partisane dénuée d'humour, ce qui est très grave pour la liberté d'expression.
Ce n'est pas parce qu'on fait des blagues sur les Suisses et les Belges qu'on est contre les Suisses et les Belges. Et dans les années 80, vous souvenez-vous des blagues sur les Ethiopiens ? Et pourtant, on était solidaires d'eux, évidemment, il n'y avait aucun racisme là-dedans, bien au contraire.
Evidemment, les médias aux ordres n'ont pas tardé à sortir la carte de l'intimidation, à brandir l'arme fatale de la polémique émotionnelle et victimaire pour discréditer le sketch, en dénonçant l'émoi qu'il aurait suscité, alors qu'il a surtout, essentiellement, suscité le rire (voir les commentaires unanimes un peu partout sur les réseaux sociaux).
Interdit de rire les amis ! Il faut éteindre le feu du rire, ce soulèvement populaire qui incarne en soi une contestation incontrôlable, humaine, inoffensive, naturelle, spontanée, bref, tout ce que les chiens de garde n'aiment pas : l'existence d'un vrai contre-pouvoir, par ce rire exutoire cher à Philippe Muray, car c'est tout ce qu'il nous reste, avant qu'ils ne nous l'enlèvent.
La tolérance, la diversité, ne sont pas des notions à géométrie variable. Soit on est tolérant, surtout quand on affirme l'être jusqu'à en faire son fonds de commerce (suivez mon regard) et on accepte la diversité, la vraie, pas celle de façade (la diversité United Colors of Benetton), soit on n'accepte rien de tout cela, et dans ce cas, il faut proclamer le parti unique : le parti d'en rire sous cape.
Il est loin le temps des Le Luron, Coluche, Bedos, Desproges, Les Inconnus...
Même le Bébête Show, autrefois diffusé en prime-time, serait aujourd'hui banni des ondes pour cause de crimes de lèse-majesté.e.s.
Etonnant, non ?
Alors, à moins d'autoriser la parodie pour tous, interdisons tout, taisons-nous, subissons en silence la tyrannie pour tous, celle du camp du bien au nom du progrès sociétal. Et souvenons-nous de ces paroles prophétiques de Thiéfaine :
"Orgie de silence & de propreté où celui qui aurait encore quelque chose à dire préfère se taire plutôt que d’avoir à utiliser leurs formulaires d’autorisation de délirer…"
(extrait de "Autorisation de délirer", dans l'album éponyme)
"Hopital psychiatrik / Staliniste politik", chantait en d'autres temps... Indochine (dans "Dizzidence Politik").
Edit du 27/09 : La RTBF s'est excusée... Est-ce que Marianne James, les spectateurs et les centaines de milliers de téléspectateurs et d'internautes qui se sont marrés comme des baleines vont être convoqués dans le bureau de la direction pour s'excuser ? Ou vont-ils être envoyés dans des camps de rééducation ? Ne rigolez pas, on n'est plus très loin du Procès de Kafka.
Le monde dit "libre" est en phase terminale : ils ont même réussi à dévoyer l'humour.
* Ce qui est affligeant, c'est de se prendre au sérieux comme ça. Stéphane Sirkis, lui, savait rire, il avait applaudi "Isabelle a les yeux bleus"...
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