Bonjour, c'est Johnny...
Comme je vous l'ai dit hier, l'histoire du rock figure aujourd'hui un véritable conte des temps modernes, et Chuck Berry en était l'un de ses princes charmants.
Je vous propose la deuxième partie de cette histoire extraordinaire.
"Avant Elvis, il n'y avait rien !"
Vous savez, c'est
peut-être un peu difficile à imaginer pour vous aujourd'hui, mais
Elvis Presley a révolutionné la musique ! Un jour, il a accéléré un
morceau de blues avec ses musiciens pour s'amuser, et c'est comme ça
qu'est né le rockabilly, un petit cousin du rock'n'roll. Vous allez
me demander : "Mais qu'est-ce qu'il avait de plus que les autres
cet Elvis ?". Je vais vous le dire : Elvis avait l'attitude, la
rock'n'roll attitude, ce virus que j'ai attrapé grâce à lui ! Il a
déchaîné les passions, c'était du jamais vu : cette façon de
remuer son bassin ("Elvis the Pelvis" on l'appelait aux
USA, pour cette raison, puisque Pelvis signifie le bassin), de sauter
partout sur la scène... il rendait toute la jeunesse folle de joie,
et surtout les jeunes femmes, qui ne pouvaient pas s'empêcher de
hurler en le voyant ! Les plus anciens voyaient ce nouveau phénomène
d'un très mauvais œil : ils pensaient que le rock allait donner de
mauvaises idées aux jeunes et qu'il les incitait à faire des
bêtises... Ces vieux ronchons préféraient le jazz, forcément.
D'ailleurs, ils pensaient au début que le rock n'était qu'un
phénomène de mode, sans se douter un instant que la société
traditionnelle et patriarcale qu'ils incarnaient, une société où
les femmes n'ont pas leur mot à dire, n'allait pas s'en remettre, hé
oui ! C'était ça le monde avant : sans rock et dominé par les
hommes. Aujourd'hui, c'est le contraire (rires).
Elvis admirait les
chanteurs noirs de rhythm'n'blues, il aimait s'habiller comme eux, de
la tête gominée aux pieds. Cette allure lui donnait un air de
ressemblance avec ses idoles, jusqu'à se coiffer comme la star
hollywoodienne de l'époque, Tony Curtis, en sculptant ses cheveux
avec de la brillantine, une sorte de gel. Voilà le secret de son
charisme, renforcé par sa voix de velours.
Par la suite, beaucoup de
rockeurs dont moi-même - forcément - se sont inspirés de son look
et de son style rebelle. J'en ai même parlé dans l'une de mes
chansons, "Le Rock'n'roll est né", que j'ai enregistrée
en 1977 : "Blousons de cuir sous un réverbère / Frappent
des mains et tombent les genoux à terre / Elvis, ça se chante en
secouant les cheveux / Brillantine dans les yeux". Pas mal
hein ? Vous savez, quand on fait quelque chose, on s'inspire toujours
des gens qu'on aime dans ce domaine, avant d'essayer de prolonger à
sa façon cette source d'inspiration. C'est naturel, et c'est surtout
vrai dans le rock.
Fonzie, cœur de rocker, l'incarnation du blouson noir à la télé (Happy Days) dans les années 70-80. Cooooolll...
Elvis a été un modèle pour moi. J'écoutais ses
disques alors qu'ils n'étaient même pas encore trouvables en
Europe, grâce au mari américain d'une de mes cousines danseuses :
Lee Hallyday. Les disques, à l'époque, ressemblaient un peu aux CD
d'aujourd'hui, mais en plus grands. On les appelait des vinyles, ils
se présentaient sous la forme de galettes noires constituées de
microsillons.
L'une des toutes
premières chansons que j'ai enregistrée est d'ailleurs une
adaptation en français de "Teddy Bear", un succès d'Elvis
sorti en 1957, un an après son premier album considéré à juste
titre comme les Tables de la Loi du rock'n'roll. Ma version
s'appelait "Ton petit ours en peluche". Hé oui, vous
voyez, j'ai aussi chanté des chansons pour les enfants (rires). Je
ne l'ai pas interprétée souvent celle-là... Sur ce fameux album
d'Elvis, il y avait la fantastique "Blue Suede Shoes" ("Les
chaussures en daim bleu"), que j'ai souvent jouée sur scène,
et même avec son créateur : Carl Perkins en personne ! Un moment
incroyable, un beau cadeau comme seule la vie peut nous en offrir.
Elvis a aussi été très
important car il a permis - avec d'autres - de faire avancer des
choses dans la société. Sa musique a contribué d'une certaine
façon à casser les frontières et à mélanger les genres, grâce à
sa voix : il était le premier Blanc à chanter comme un Noir (c'est
d'ailleurs la raison pour laquelle le producteur Sam Phillips l'avait
signé sur son label de rhythm'n'blues Sun Records). Et aujourd'hui,
c'est devenu normal pour nous, de mélanger les cultures, les styles
de musique, d'être amis avec des gens qui n'ont pas la même couleur
de peau que nous, mais à l'époque ça ne l'était pas. Elvis a été
tellement important que John Lennon, un artiste majeur de l'histoire
du rock que j'ai connu personnellement - puisqu'il est venu me voir
jouer à l'Olympia - et dont on parlera plus loin, a déclaré un
jour : "Avant Elvis, il n'y avait rien !" (rires). Et je
dois dire que je suis assez d'accord avec lui : aussi loin que je me
souvienne, j'ai toujours écouté Elvis, dès ses premiers disques.
Vous savez, ces fameux disques américains que je pouvais avoir grâce
à Lee Hallyday et qu'on ne trouvait pas encore en France : je les
écoutais en boucle dans ma chambre avec mon ami Eddy Mitchell, et
aussi les disques de Chuck Berry et d'Eddie Cochran, entre autres !
Parce qu'il n'y avait pas
qu'Elvis et Bill Haley en ces temps là, beaucoup d'autres étoiles
merveilleuses ont rayonné dans les postes à transistors en bakélite
- des gros appareils pour écouter la radio -, sur les pistes de
danse et dans les juke-box (des machines installées dans les bars et
dans lesquelles on mettait une pièce pour jouer un disque de son
choix) : Chuck Berry, dont tout le monde copie aujourd'hui les riffs
de guitare - un riff, c'est quelques notes ou quelques accords que
l'ont fait tourner en boucle - et qui mérite par conséquent son
étoile dans notre ciel rock, Little Richard, Fats Domino, Bo
Diddley, Buddy Holly, Eddie Cochran - dont j'ai adapté "Somethin'
Else" en 1963 pour en faire "Elle est terrible" -,
Jerry Lee Lewis, Gene Vincent et son mythique "Be-Bop-A-Lula",
etc., tous nous ont changé la vie, nous ont rendu raides dingues de
rock'n'roll, en plus de contribuer à faire tomber - en partie - les
barrières ségrégationnistes dont je vous ai parlé juste avant.
Et s'ils ont réussi à
faire entrer le rock dans la culture populaire et à toucher le monde
entier comme ils l'ont fait à l'époque, c'est surtout grâce à la
naissance de la télévision dans les années 50, qui a permis de
diffuser partout, avec la radio, toutes ces bonnes ondes rock'n'roll,
comme un message divin !
Aujourd'hui, grâce à Internet, il suffit
de cliquer deux ou trois fois sur la souris d'ordinateur pour écouter
n'importe quel titre mais à l'époque, on restait des heures à
attendre l'oreille collée au transistor les tubes du moment qu'on
adorait ! C'était comme si la musique venait d'ailleurs, d'une autre
planète. Cette sensation de mystère était amplifiée par la
qualité parfois mauvaise de la réception des ondes. Dès qu'on ne
captait pas bien une chanson, on paniquait, un peu comme quand on a
des problèmes avec sa connexion internet aujourd'hui (rires).
En
plus, il n'y avait pas cinquante fréquences FM, mais il y avait
Radio Luxembourg, un vent de liberté radiophonique qui a participé
à la diffusion du rock en Europe. Elle deviendra à partir de 1966
la première radio de France, que vous connaissez bien puisque c'est
ma deuxième maison : RTL. On vivait vraiment le rock'n'roll avec
dévotion, c'est-à-dire que c'était comme une religion pour nous.
Même le cinéma a été
fasciné par ce nouveau phénomène et s'est emparé des rockeurs
ensuite... Elvis a tourné beaucoup de films dans les années 60 par
exemple. A ce propos, savez-vous que j'ai joué pour la première
fois au cinéma à l'âge de douze ans, dans un film sorti la même
année que la naissance du rock'n'roll ? Si ça, ce n'était pas un
signe du destin, en tout cas ça y ressemble drôlement non ? Il s'en
est passé des choses en 1955 ! Je précise que je n'ai pas chanté
dans ce film, c'était juste une petite apparition, de la figuration
comme on dit.
Elvis au cinéma ! Ou le rock'n'roll en Technicolor. Cooolll... !
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