Il y a des tubes comme ça, comme "Such a Shame", qu'on peut écouter/entendre des milliards de fois sans s'en lasser. C'est ce qui s'est passé d'ailleurs, depuis 1984, année de la parution de ce hit planétaire indémodable.
Le groupe Talk Talk a été l'un des artisans pop les plus doués de sa génération, effectuant un sans faute du premier album au troisième, une trilogie new wave exemplaire alignant les tubes imparables : "It's my life", "Today", "Talk Talk", "Life's what's you make it", etc.
A partir du virage confidentiel opéré avec Spirit of Eden en 1988, c'était autre chose. Une autre histoire, sonnant le glas des années 80, la fin d'un monde, déjà.
Alors que la plupart des artistes ayant caracolé en tête des hit-parades courent après leur gloire d'antan une fois le vent du succès passé, prêts à tout pour refaire surface, Mark Hollis n'a fait que prendre la tangente, tournant le dos au show-biz définitivement au bout de cinq ans d'envol.
Après s'être brûlé à la lampe électrique des feux de la notoriété, l'art de ce papillon de nuit n'a consisté qu'en l'expression d'une longue plainte, une agonie en trois mouvements. Il aura mis en scène, musicalement, son lent effacement, traduisant ce glissement vers l'absence définitive avec d'abord un splendide Spirit of Eden renouant encore par endroits avec la puissance charnelle des premières heures du groupe, disque éthéré auquel succéda en 1991 Laughing Stock en forme de jazz atonal de chambre, marquant une distance plus accentuée encore - quasi autiste - dans des limbes sonores inaccessibles, pour finir par le monacal album solo de Mark Hollis en guise de point de suspension intimiste et céleste sur lequel plane le fantôme de Nick Drake. Un enregistrement où le piano peine à déranger le silence. Comme une obsession, l'artiste y chantait "The Colour of Spring", douze ans après le disque du même nom signé avec Talk Talk. Un parcours en forme de rédemption pour se laver de ses péchés pop, à la lessive bucolique.
On ne savait rien de ce chanteur looké à la Lennon, on l'imaginait coulant des beaux jours dans sa retraite paisible et secrète, comme un Salinger de la pop music. Reclus du monde, de la laideur. Sauf qu'il ne mourra pas à 90 balais. Et il ne verra pas une dernière fois les couleurs du printemps, celles qui le consacrèrent le temps d'une saison éphémère il y a 33 ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire