Interview de Clarika (propos recueillis en mai 2009) :
Bakchich : Quelles sont
vos influences (littéraires, cinématographiques, etc.), quels ont été vos
premiers chocs musicaux (et les derniers) ?
Clarika : Les auteurs « classiques » qui m’ont fait aimer la lecture sont : Camus, Flaubert,
Sarraute, Butor, Proust, Albert Cohen,
Prévert, Mauriac, Queneau, Garcia Marquès… Depuis deux, trois
ans, je me suis mise à lire beaucoup d’auteurs « contemporains ». J’ai un faible en ce moment pour les femmes
écrivaines… Alice Ferney, Marylis de Kerangal, Dominique Mainard, Alona Kihmi, Véronique Olmi... Mais je suis aussi une fidèle de Modiano, Emmanuel Carrère…
Je vais pas mal au
cinéma. Les derniers films vus : Villa Amalia, Boy A, The Country Teacher,
Ponyo sur la falaise (avec mes filles), Gran Torino…
Pour les Français, j’adore les vieux Sautet (Vincent François Paul et les autres, Les Choses de la vie, etc.), Téchiné en général, Tavernier, les vieux Rohmer (j’ai
eu ma période Rohmer où j’allais tout voir !) et j’en oublie plein
c’est sûr (les frères Dardenne, Almodovar,
David Lynch, Ken Loach, Gong Li…).
Me premiers chocs
musicaux réels datent de l’adolescence (si on passe la période de
l’enfance marquée
par les 45 tours de Sheila, Boney M et Martin Circus avec LA
chorégraphie, indispensable, devant la glace…). J’ai en fait découvert la « musique » par le biais de chanteurs qui écrivaient leurs textes et qui me touchaient d’abord par leur propos. Les Gainsbourg,
Bashung, Higelin, Renaud, Thiéfaine, Souchon, Lavilliers furent mes chanteurs de
chevet à l’adolescence. Les Rita Mitsouko furent le groupe qui incarnait pour
moi la folie de la scène et Catherine Ringer fut sans doute une des chanteuses
qui me donna envie de faire le « show », tout comme Annie Lennox ou Nina Hagen que j’adorais. J’écoutais aussi les Clash, Joe Jackson, Springsteen, les Red Hot, des
vieux Stones, Bowie, Lou Reed et les chanteuses comme Patti Smith, Rickie Lee
Jones, Marianne Faithfull. Et je mentirais par omission en omettant de
citer Trust et AC/DC qui caressèrent (à leur manières) mes oreilles d’adolescente fiévreuse et exaltée !
Bakchich : Quels
souvenirs gardez-vous de la période Boucherie Productions, label alternatif sur
lequel est sorti votre premier album ?
Clarika : Boucherie fut ma première maison de disques et j’ai eu la chance à l’époque de signer pour un premier album dans un label indépendant « de
qualité ».
J’étais la première d’un nouveau département de Boucherie qui s’ouvrait à ce moment-là à des groupes ou artistes moins rock alternatif…
Ça a été très vite,
entre le coup de fil de Hadji Lazaro qui recevait notre petite cassette et la signature… ça répondait à notre urgence du moment, c’était génial, et on a eu
les moyens (petits mais réels) de faire un premier
album sans concessions et qui nous ressemblait, et de partir tout de suite sur
les scènes le défendre. Ça nous a donné, à JJ
Nyssen (mon complice) et moi, le LA pour la suite et la détermination pour faire
ce qu’on avait envie de faire, comme on en avait envie.
Bakchich : « Bien
mérité » est un tube en puissance mais, à l’époque du vite consommé et des
textes très premier degré, une chanson
mélodieuse faisant appel à une écoute attentive a-t-elle une chance d’être
programmée en boucle dans les médias ? Ne risque-t-elle pas de faire peur aux
programmateurs frileux (pléonasme), de crainte justement qu’elle soit
interprétée au premier degré par les auditeurs ?
Clarika : J’aurais aimé vous
démentir mais vous touchez juste. Quand on a décidé de faire de ce titre un
« single », la maison de
disques a émis des réserves mais nous étions persuadés - JJ Nyssen, Florent
Marchet (les réalisateurs de l’album) et moi même - qu’elle flippait pour rien, le
titre étant perçu de manière assez forte et ne laissant personne indifférent a
priori. La maison de disques, malgré ses craintes, nous
a suivis dans ce premier choix (croyant malgré ces réserves au potentiel du
titre) et « pris le risque » (je ne pensais pas que cela en
serait un). Or, effectivement, il y a une réelle frilosité des programmateurs
radio qui ont peur que :
- soit les gens prennent cela au premier degré (ce qui est rarissime, lorsque ces mêmes personnes ont « accès » au titre !
- soit, et là ils ne le disent pas mais on le comprend, que les gens ne soient
tout simplement pas d’accord avec le propos… et là, on le savait, ils n’ont
pas toujours tort : certaines réactions sur la chanson (parfois violentes) le prouvent !!
Voilà, je m’attendais
bien sûr à des « réactions »
mais pas à cette peur des radios de
déranger les auditeurs. Nous ne pensions pas avoir écrit un brûlot
subversif, loin de là (et je ne le pense toujours pas d’ailleurs). Ceci étant dit, je ne
regrette pas ce choix car la chanson vit sa vie vraiment, sans un grand soutien
des radios mais par le net aussi et les gens qui la diffusent eux-mêmes et la font passer, etc. Et par l’accueil
réservé par la presse également.
Bakchich : « Bien
mérité » est symptomatique de la force de vos textes. On sent chez vous une envie de marquer les consciences,
d’interpeller l’auditeur, sans
jamais tomber dans le côté
« donneur de leçon ». Pouvez-vous nous en dire plus sur votre façon
d’envisager l’écriture d’une chanson ?
Clarika : J’écris à l’instinct et suis assez brouillonne d’une manière générale,
mais mon souci premier c’est que mon propos soit perçu comme je pense qu’il
doit l’être et j’aime que l’auditeur reçoive vraiment ce que j’ai voulu
faire passer (de l’émotion, un message, de l’humour) comme je crois qu’il va le recevoir. Après, les titres vous échappent et c’est ça qui est chouette aussi, c’est que les
interprétations divergent – si je puis me permettre ! -). C’est d’ailleurs ce qui me
touche dans la chanson : cette spontanéité, cette accessibilité… Après,
chacun a son style, sa manière de… Je sais que je suis en général au plus près
de moi, et qu’il m’est difficile de tricher en m’inventant des sensations non
éprouvées par exemple. En écrivant moi-même mes textes, j’ai le choix
de mettre en scène ma réalité comme je veux et de composer mon petit monde à ma
sauce…
Bakchich : On sent dans la production du disque, comme
sur les précédents, un tiraillement omniprésent entre chanson française
tendance variétés et psychédélisme pop/rock à l’anglo-saxonne. Alors la
question s’impose : Stone (et Charden) ou Beatles ?
Clarika : Les deux !! C’est ce qui me plaît dans la « variété » au sens noble du terme. Pouvoir être touché par une pure chanson variétoche,
comme on dit (genre un vieux slow italien avec la voix rauque du chanteur qui
vous saisit sans que vous ne compreniez vraiment pourquoi) ou un vieux slow
psyché de Bowie.
Bakchich : Le classique
de Renaud « Mistral gagnant » aurait pu être signé Clarika, pour
cette mélancolie poétique et cette part d’enfance prégnantes dans votre œuvre.
Est-ce qu’il existe des chansons – dans le répertoire français ou étranger -
qui vous rendent artistiquement
« jalouse » ?
Clarika : Vous me parlez de « Mistral Gagnant », ça me touche car c’est sans doute
LA chanson du répertoire français que je
garderais s’il n’en fallait qu’une ! Quand une chanson me plaît plus que la moyenne, je n’éprouve jamais de
jalousie mais plutôt de l’admiration, et ça me motive pour écrire et essayer
d’être à la hauteur…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire