Après Sheller, Murat, Manset, Corine Marienneau de Téléphone, Vive la Fête et Sébastien Schuller, voici mon interview de Romain Humeau réalisée pour Bakchich en 2009 (à l'occasion de la sortie de l'album A tout moment). J'avais déjà mis cette interview sur l'ancienne version du blog, mais je la ressors aujourd'hui dans la foulée des autres :
Question : A chaque
album, Eiffel change de line up, comment expliques-tu cette instabilité ?
Le binôme que tu formes avec Estelle, vrai noyau depuis le début, ne
suffit-il pas pour être Eiffel ? La formule groupe-couple te fait-elle
peur ?
Romain Humeau : Non,
on ne le voit pas comme ça. Il y a eu 6 ans très stables jusqu’au “1/4
d’heure des Ahuris”, 5 ans avec valse des ministères de 2002 à 2007, une
période pénible à ce niveau, mais quels groupes ont duré aussi
longtemps sans changements? Cela correspond à notre histoire,
particulière certes mais tout de même là. Et puis depuis début 2007,
nous sommes à nouveau au 3/4 du début avec Nicolas Courret et Nicolas
Bonnière qui nous a rejoints. Avec Estelle à la basse, cela donne un
très bon équilibre au groupe, je le sens puisque j’y suis, de fait, au
centre. Je n’ai jamais pensé à la formule couple mais je pense qu’il
n’y aurait aucun intérêt, ni pour Estelle, ni pour moi, ni pour la
musique.
Question : Qu’est-ce qui a changé pour Eiffel depuis le changement de maison de disques ?
R.H. : Le
changement de maison de disque n’a pas changé Eiffel, nous nous sommes
changés tout seuls. Nous avons juste pris le temps de construire ce
Studio des Romanos dont nous avions déjà l’idée en 2000. Nous savions
que l’avenir d’Eiffel et des projets que j’aurai en parallèle résidait
dans cet outil. Soit on se dit qu’on est là pour cartonner, soit on se
dit qu’on est là pour bâtir une histoire avant de crever, même si c’est
dérisoire. On est plus dans l’être que dans le paraître. Une des brèves
de comptoir que j’ai lue dernièrement dit en substances ceci : “Si on
mettait une turbine sur tout les désespérés, l’énergie du désespoir
fournirait de l’électricité”, et bien c’est toujours un peu ça, on
avance, on ne sait pas pourquoi mais on le fait. “Je m’obstine”, c’est
ça.
Question : De qui te sens-tu le plus proche dans le paysage musical français actuel ?
R.H. : Compliqué
de répondre à cette question, on pourrait dire à l’arrache et pour
l’état d’esprit et non pour le genre musical : Brigitte Fontaine,
Gojira, Stuck in the Sound, The Do, Loîc Lantoine, Debout sur le Zinc...
Il n’y a rien en Rock chanté en Français que nous puissions nous mettre
sous la dent en ce moment, désolé !
Question : Voici
les cinq meilleures ventes d’albums en France : 1) Michael Jackson 2)
Benjamin Biolay 3) Renan Luce 4) Hugues Aufray 5) Rammstein. Un petit
commentaire ? Parmi eux, vers qui vont tes préférences ?
R.H. : M.
Jackson, j’ai toujours été un grand fan, j’avais acheté le vinyle de
Thriller à 11 ans en 82 à Paris en vacances chez mon peintre d’Oncle.
J’ai toujours adoré la manière dont il dansait, et dont il chantait,
comme un batteur, très rythmique et en même temps, on ne peut plus
sensuel. Et puis, ce sont les premières Boums et tout ce qui va avec. Benjamin
Biolay, je respecte beaucoup ce qu’il fait, c’est bourré d’idées, de
choses originales. On a finalement un peu le même parcours, d’un côté
autodidacte, de l’autre premiers prix de conservatoire etc... Il a
notamment découvert bien des choses avec Clit Boris, ex chanteur de
l’affaire Louis Trio, eux mêmes très fans d’XTC dont j’adore toujours
autant la musique (j’ai écrit à Andy Pardtrige quand j’avais 18 ans mais
il ne m’a jamais répondu...). Par contre avec B.Biolay, contrairement à
Gainsbourg, il n’y a pas le climax...et c’est quand même ce que je
cherche dans la musique que j’écoute...mais vraiment pas mal du tout
quand même. Renan Luce, même si ça
ne me touche pas, je dois avouer que c’est le meilleur auteur de la
vague ”néo chanson française réaliste”. Il arrive foutrement bien à
éviter tout ce qui est cuisine Ikea, frigo, playstation, amour en
demi-teinte en matant la télé et en mangeant des pizzas. Ouais, il évite
bien tout ça avec une bonne plume et une voix charmante. Et encore une
fois, même si ça ne me transcende pas, il a le grand mérite de faire son
truc sans participer à cet attroupement de mollusques néo-régressistes.
68 n’a pas donné que des bonnes choses mais enfin ça s’est passé il y a
41 ans, parfois on a l’impression d’entendre des chansons antérieures à
cette date là... Une saveur “Douce France” qui me fait flipper, Trénet
me fait flipper par exemple... Hugues
Aufray : Je connais ses premières chansons car mon père m’a appris la
guitare avec entre autres H. Aufray. J’aime bien le mec, mais je ne sais
pas ou il en est... Rammstein, j’adore le morceau Rammstein qui est utilisé pour la
B.O de Lost Highways de D.Lynch. Je l'ai écouté souvent. Par contre
j'ai vu des bouts de live et là pour moi c'est Spinal Tap, à mourir de
rire !
Question : Au bout de quatre albums studio de Eiffel, quel regard portes-tu sur l’évolution musicale du groupe ?
R.H. : Je
n’en ai aucune idée, c’est trop tôt me semble-t-il... J’espère qu’il y
aura 30 albums d’Eiffel, 10 albums solos et 100 projets parallèles et
que là, on pourra en parler et juger, en Enfer ou au Paradis, pardi !
Question : Quelle est la plus grande chanson de tous les temps pour toi ?
R.H. : C’est
inévitablement une chanson des Beatles....J’aime tout de manière
irraisonnée. Cela dépend de l’humeur...J’hésite entre “Julia” chanson
venue d’ailleurs et “I’m the Walrus” chanson venue d’ailleurs itou...
Allez! “I’m the Walrus”. Mais avec une autre humeur ça aurait pu être
“The Mercy seat” de N. Cave !!!
Question : Tu
as déclaré que le précédent album s’ouvrait sur une chanson en anglais
pour faire chier le monde. Et sur ce nouvel album, y a-t-il un morceau
destiné à jouer ce rôle ?
R.H. : Oh...
J’ai répondu ça pour varier les plaisirs, en interview, il faut savoir
s’amuser... Non, aucune chanson de cet album, ni des autres n’est dédiée
à faire chier le monde. Mais je ne m’inquiète pas, elles font déjà
toutes chier nos détracteurs. Et on en a !!! Là dessus, je suis assez
fier !!!
Question : Dominique
A a recyclé sur son dernier album une chanson qu’il avait écrite pour
Bashung. Tu avais également été sollicité par Bashung lors des sessions
de préparation à « Bleu pétrole ». Que reste-t-il de ce travail ? Quel
souvenir gardes-tu de Bashung ? Comment trouves-tu l’album « Bleu
pétrole » ?
R.H. : La
chanson de Dominique A dont tu parles est “Immortel” et j’ai travaillé
dessus pendant 10 jours en 2006 à ICP/Bruxelles. J’adore cette chanson,
j’avais produit ça avec des verres à eau dont jouait fort bien Fay
Lovsky, des slides que jouait Tres Manos (ex guitariste des Urban Dance
Squad), des guitares Tournevis que jouait Adrian Utley (le guitariste de
Portishead) et j’y faisais les batteries, guitares acoustiques, basses,
choeurs et Harmonium. Daniel Darc, Marcel Kanche, Miossec étaient là
aussi… De ce travail, il reste neuf chansons prêtes à mixer avec
différentes solutions, mais les textes n’étaient malheureusement pas
tous là. Alain était un garçon très gentil. Très secret et tourmenté
aussi. La chanson de Bleu Pétrole que je préfère est “Comme un lego”
écrite par G. Manset. Le reste ne me touche pas trop, quand on a eu
Fauque et Bergman comme paroliers, ça peut être dur après... En son,
“Bleu Pétrole” sonne aux antipodes de ce dont me parlait Alain en 2006,
c’est très fin et lissé, très chiadé, alors qu’on ne parlait que de
Palace, Will Oldam, Johnny cash et d’un son roots...
Question : Pour qui aimerais-tu écrire des chansons ?
R.H. : Brigitte
Fontaine, Vanessa Paradis, J Birkin, J Higelin....beaucoup d’autres
artistes. Mais aussi pour des gens qui ne chantent pas d’habitude...
Sebastien Chabal ou Imanol Harinordoqui!!!....on verra...
Question : Tu
reprends un texte de Villon sur le nouvel album. Quels sont tes
écrivains et poètes préférés ? Peux-tu nous parler de ton rapport à leur
œuvre ?
R.H. : Je
ne suis pas assez cultivé pour faire le malin là dessus...J’ai adoré
“Les Fontaines Silencieuses” et “Rag time” de Calaferte...en ce moment
je lis René Char.... beaucoup aimé ”La nuit remue” d’H. Michaux....bien
sûr les incontournables, Rimbaud, Baudelaire, Nouveau, Lautréamont
etc... Et puis Vian bien sûr !
Question : Tu disais dans « J’ai poussé trop vite », sublime chanson d’Eiffel : « J’ai poussé trop vite / J’ai bien appris ma leçon / Voyez comme ça vient vite d’être un con ».
A qui pourraient s’appliquer ces paroles dans le paysage médiatique ou
musical français aujourd’hui ? Les candidats de "la nouvelle star" par
exemple ?
R.H. : Oh , Pas que, pas que....
Les candidats de "la Star Ac"sont
plutôt à plaindre, par contre les gens qui les manipulent sont de vrais
enculés mondains. Mais "la star ac" n’est pas le seul endroit de
l’industrie du disque où tout est toc, à notre époque, on peut en
trouver partout, dans le rap, dans la chanson engagée, dans le rock
etc....bref, on est cernés. Alors, il vaut mieux rire. Et continuer. On
verra....
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