Interview de William Sheller
William Sheller a accepté de se confier à Bakchich.info.
Entretien sans langue de bois où il est question de slam, des Beatles,
de Maritie et Gilbert Carpentier, de misanthropie, de culture française,
de crise du disque, etc…
Bakchich : Vous qui trouvez de la matière poétique en toute chose, en voyez-vous dans le slam et ses dictionnaires de rimes ?
William Sheller :
« Déclamer la poésie se pratiquait encore récemment dans des cénacles
un peu élitistes, il fallait en outre être un « diseur » de talent, et
n’est pas Fabrice Luchini qui veut. Le slam, venu des USA est une
manière ouverte de dire devant un public, dans la rue, dans un café, des
textes de poésie contemporaine, à laquelle les éditeurs ne
s’intéressent plus guère. Rime ou pas ce n’est plus le problème depuis
Prévert, Cocteau ou Queneau. Ceci dit il y a beaucoup de n’importe quoi,
cela semble tellement facile. »
Bakchich :
Nicola Sirkis vous a longtemps cité comme influence majeure.
Aujourd’hui, ses références sont essentiellement des artistes en phase
avec les goûts de son nouveau public. Et vous, connaissez-vous votre
public aussi bien ? A quoi ressemble-t-il ?
W.S :
« Heureusement que Nicolas a évolué et n’en reste pas à ses premières
influences, et puis les temps ont changé. Je ne pense pas qu’il s’adapte
pour être en phase avec son public, mais qu’un nouveau jeune public l’a
adopté. Personnellement mon public est très varié, inclassable tant en
âge qu’en milieu social ou autre. Certains me préfèrent seul au piano,
d’autres avec les musiciens. Il y a un peu des gens de tous bords. »
Bakchich :« Alors
que le milieu de la musique classique vous honore régulièrement, vous
sentez-vous incompris de certains médias ou autres décideurs qui
semblent ne tolérer le mélange des genres que lorsqu’il est « tendance »
ou « porteur de messages » ?
W.S : Il y a des sortes d’ayatollahs intolérants partout et surtout dans le monde classique. Incompris ? Non puisqu’ils ne cherchent même pas à comprendre ils sont dans leur petit monde « tendance »… quand aux genres porteurs de messages, on aimerait savoir lesquels, à quoi ils servent si ce n’est à enfoncer des portes ouvertes ou de prêcher des convaincus. »
Bakchich :
Quel est votre plus grand souvenir télévisuel personnel ? Quel souvenir
gardez-vous du Taratata dont vous étiez l’invité principal ?
W.S :
« Sans que ce soit un souvenir précis, rien ne remplacera (encore une
fois) les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier. On y participait
sans avoir forcément quelque chose à vendre. On participait à des
sketches, on s’affublait de déguisements, et l’on chantait des chansons
écrites spécialement pour l’émission. Quand à Taratata que ce soit en
invité principal ou en « invité d’invité » c’est un rare bonheur de
pouvoir y chanter en direct comme en scène, avec des conditions
techniques de bon niveau. »
Bakchich :
Quel est l’album de votre discographie que vous réécoutez avec le plus
de plaisir ? Et celui que vous réécoutez avec le plus de regrets ?
W.S :
« Je n’écoute pratiquement jamais mes enregistrements une fois qu’ils
sont sortis. J’aurais du mal à vous répondre. Si je devais avoir un
regret ce serait au niveau des tripotages appelés « remasterisation »
dans les compilations, et qui déforment sans vergogne le son des
enregistrements d’origine, pour les rendre plus agressifs. »
Bakchich :
On ne voit jamais votre nom parmi les artistes signataires qui
condamnent le téléchargement illégal. Comment analysez-vous la crise du
disque ?
W.S :
« Autant signer pour condamner les nuages qui passent… Entendons-nous
sur le mot téléchargement. Il y a les sites P2P où l’on trouve parfois
des albums un mois avant leur sortie. On y télécharge rapidement des
fichiers compressés. Je mettrais ça au même niveau que les logiciels
craqués, pour lesquels aucune pétition n’existe d’ailleurs. Par
ailleurs, il est des sites où l’on propose tout à fait légalement
l’écoute d’albums entiers. Ca n’est pas du téléchargement de fichiers,
mais c’est négliger le fait que l’on peut tout à fait les enregistrer au
fil de l’écoute.
On peut aussi à partir d’un
album acheté en envoyer des copies par simple mail. J’envoie pour des
raisons professionnelles des maquettes ou certains de mes morceaux à
d’autres musiciens pour des raisons de collaboration, et ce sans le
moindre problème.
Je pense qu’il y a eu un manque d’anticipation sur une technologie qui a bouleversé la donne dans tous les domaines. Les grandes majors auraient eu les moyens dès le début de créer des Google ou autres Yahoo et de garder un certain monopole de diffusion. Maintenant que les vannes sont ouvertes on ne peut revenir en arrière.
Oui le CD est cher. Oui il y a plus urgent pour le porte-monnaie que d’acheter un CD. Oui il y a une production de beaucoup de petits talents sympas sans plus, ou de choses formatées pour durer trois mois. Une époque de crise n’est pas favorable à l’aventure artistique et à l’imaginaire. Quand on a comme souci principal de tâcher de ‘tenir les murs pour qu’ils ne s’écroulent pas’ on n’a guère le temps d’imaginer comment en bâtir de nouveaux. Par contre le spectacle vivant a repris de poil de la bête, ce n’est pas plus mal.
Je pense qu’il y a eu un manque d’anticipation sur une technologie qui a bouleversé la donne dans tous les domaines. Les grandes majors auraient eu les moyens dès le début de créer des Google ou autres Yahoo et de garder un certain monopole de diffusion. Maintenant que les vannes sont ouvertes on ne peut revenir en arrière.
Oui le CD est cher. Oui il y a plus urgent pour le porte-monnaie que d’acheter un CD. Oui il y a une production de beaucoup de petits talents sympas sans plus, ou de choses formatées pour durer trois mois. Une époque de crise n’est pas favorable à l’aventure artistique et à l’imaginaire. Quand on a comme souci principal de tâcher de ‘tenir les murs pour qu’ils ne s’écroulent pas’ on n’a guère le temps d’imaginer comment en bâtir de nouveaux. Par contre le spectacle vivant a repris de poil de la bête, ce n’est pas plus mal.
Bakchich :
Comme Nino Ferrer et Léo Ferré avec leur classique respectif « Le sud »
et « Avec le temps », « Un homme heureux » a un peu vampirisé le reste
de votre œuvre. Et comme chez ces artistes mélancoliques, on sent
poindre une certaine misanthropie dans vos disques (Cf « Camping » sur
Avatars). Vous sentez-vous des points communs avec ces deux écorchés ?
W.S :
« Il n’y a pas de misanthropie dans « Camping », c’est un personnage
qui noie un petit chagrin personnel en se mêlant à un de ces moments de
fêtes ou faire l’imbécile avec les autres soulage un peu l’âme. Rien de
péjoratif. Ceci étant dit oui je me sens assez proche de ces deux
auteurs que vous citez et je trouve l’être humain décevant, c’est vrai.
Il a tout pour bien vivre et s’acharne à tout détruire. Le seul
mammifère qui souille son gîte et agresse ses semblables. Enfin « Un
homme heureux » est un peu pesant parfois, mais se dire que l’on aura au
moins laissé une chanson dans la mémoire collective est plutôt
rassurant. »
Bakchich : Quel est votre rêve d’artiste non encore réalisé ?
W.S :
« Un opéra, un vrai, pas une comédie musicale, mélanger les genres de
voix selon les personnages, voix lyriques pour certains, voix naturelles
pour d’autres. Peut-être quelque chose plus destiné à la 3D qu’au
théâtre… »
Bakchich :
« L’influence de Sergent Pepper est perceptible sur Avatars. A propos
des Fab Four : de tous les artistes présentés depuis trente ans comme
les nouveaux Beatles, Coldplay mérite réellement cette distinction. Que
pensez-vous de ce groupe ? »
W.S :
« Sergent Pepper a ouvert des portes, celles des arrangements utilisant
toutes sortes d’instruments. C’est mon époque, il est normal que
j’en aie été marqué d’autant que cela satisfaisait mon envie de mélange
des genres Classique + Pop-rock. Coldplay va magnifiquement dans ce
sens. Cependant personne ne sera jamais les nouveaux Beatles qui ont
fédérés la planète autour de leur musique et ont fait réfléchir tous les
artistes de leur temps. »
Bakchich :
Les mélodies et l’imagination ont déserté la plupart des productions,
les chansons « à texte » d’aujourd’hui ressemblent aux grandes lignes
d’un contrat de projet à faire valider par le premier Conseil Général
venu, quel regard portez-vous sur l’état de la musique en France ?
W.S :
« Je crois que vous avez tout dit là… Qu’est-ce que vous voulez que
j’ajoute à ce sentiment que je partage ? LOL Il y a quand même des
Camille, des Juliette, Mathieu Chedid, des Delerm, et quelques autres…
Ils existent, qu’on aime ou pas c’est selon les goûts mais ils
ressortent du lot. »
Bakchich :
Grand Corps Malade recevant les insignes de chevalier des Arts et des
Lettres au bout d’un seul album, idem pour Abd Al Malik, cela vous
inspire-t-il une réflexion ?
W.S :« Les
ministères sortent quelquefois ainsi leur arrosoir à médailles … Tant
mieux pour Grand Corps Malade et Abd Al Malik… J’ai été moi-même
‘adoubé’ en même temps que Sylvester Stallone … lequel à n’en pas douter
a fait beaucoup pour la culture française. »
Bakchich : pouvez-vous nous citer quelques artistes « conseillés par William Sheller » ?
W.S :
« Mon pauvre, depuis deux ans que je suis en studio et que je travaille
sur cet album j’ai « entendu » vaguement des choses mais n’ai pas eu le
temps d’en « écouter »… Je ne serai bon qu’à demander à mon fils ce
qu’il y a de chouette à découvrir ces derniers temps, pour avoir l’air
d’être au courant et faire le vantard afin de terminer un article en
beauté.
Ah si ! Arctic Monkeys, j’aime bien les mélodies simples, entre Fab Four et un saupoudré de Smith par moments, c’est bien construit, bien produit, mais ça n’est pas récent … »
Ah si ! Arctic Monkeys, j’aime bien les mélodies simples, entre Fab Four et un saupoudré de Smith par moments, c’est bien construit, bien produit, mais ça n’est pas récent … »
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